June 14 2004

Pics, rollover

 

Boston

 

Femmes à poil long

 

June 13 2004

Pics, rollover

Guarnerius & friend

Main Hall personal post card

 

 

Appleton downtown - Hanoi downtown

 

 

June 7 2004

Pics

 

Packers fan

 

Massue

 

Pool

 

Verres vers vert

 

June 4 2004

L'infantilité Chez Meursault

L'Etranger d'A. Camus


Meursault peut être comme certains disent un personnage tout à fait inclassable. Son absence d’identité franche, son refus des codes sociaux et sa nonchalance constante dès que les faits viennent à toucher son opinion font tout simplement de lui un homme étrange avant même d’être classable parmi les étrangers à quoi que ce soit. Tentons cependant de voir en quel sens ce personnage vide par son infantilité ne cherche qu’à acquérir un dessein, et dans ce sens parallèlement se sevrer.
Le livre commence en effet d’une manière brutale avec l’annonce du décès de la mère de Meursault. La froideur de la nouvelle, d’ailleurs faite par télégramme, marque un départ clé dans le choix de notre analyse. Le livre commencerait-il par la fin ? La fin de la vie de sa mère. On apprend très vite qu’il n’avait de sentiment apparent pour elle. Effectivement, Meursault ne réalise peut-être tout simplement pas ce qu’il vient de perdre. Un enfant en bas âge qui foncièrement est très attaché et dépendant de sa mère aurait très probablement eu la même réaction ou plutôt la même non réaction. « Maman est morte », c’est un fait, et puis ? Toujours dans ce début de chapitre premier, il avoue presque inconsciemment : « c’est un peu comme si maman n’était pas morte ». Meursault que l’on nomme ainsi comme on nommerait un enfant par son seul prénom ne parle pas de sa mère, mais uniquement de maman. Ce principe propre en particulier à l’enfant montre qu’il (l’enfant) n’a pas conscience de l’unité maternelle en tant qu’extérieur à lui-même. Maman est quelque part encore partie intégrante du moi chez l’enfant. C’est un peu l’impression que donne Meursault dans ce livre ; il n’a pas de personnalité apparente car lui-même ne se considère pas comme part entière ou du moins pas encore. Revenons sur l’aspect du récit et le style employé par Camus. On notera l’emploi de phrases courtes et d’une syntaxe assez simple. Il raconte, comme une histoire, toute sorte de choses, détaillées ou non en passant d’une généralité à un point rapide de sa journée. Seuls les enfants parlent d’un tel ton.
Meursault parle de l’habitude de façon insistante. « Mais c’était à cause de l’habitude », « chez Céleste, comme d’habitude ». Quoi de plus perpétuellement rythmée que la vie d’un enfant. Toutes ses attitudes dévoilent se sentiment d’infantilité chez Meursault. Même le directeur de l’asile lui parle en ces termes : « vous n’avez pas à vous justifier mon enfant…». Dans le car, il s’assoupi. Il ne connaît pas exactement l’âge de sa mère et dans l’asile, il n’y a que des vieux. Plus tard quand il doit veiller sa mère, il ne sait pas si « il peut le faire [fumer] devant maman ». Sa question n’est pas de savoir si c’est bien ou non de fumer, mais bien de savoir s’il peut s’afficher devant sa mère ; l’eût-elle grondé s’il avait fumé devant elle ? Non pas qu’il s’en empêche au bout du compte mais le fait qu’il se posât la question dénote encore une fois une attitude de dépendance morale, celle d’un enfant. A la page 17 de notre édition (Gallimard 1942), la description soudaine que Meursault fait du paysage montre comment il arrive à s’échapper totalement pour un moment de la réalité. La nature ici prend le dessus sur ses pensées et le laisse rêvasser sur le « ciel plein de rougeurs » avec le vent qui « apportait une odeur de sel ». A la fin du premier chapitre, il décrit avec précision les « larmes de l’infirmière déléguée : »des…ruisselaient sur ses joues… elles formaient un vernis d’eau sur un visage détruit… ». Il fini ensuite par décrire tout l’environnement où il se trouve. La domination de l’idée de lumière, de blancheur et de la couleur rouge du sang donnent à cette fin de paragraphe non pas la confirmation qu’il s’agit bien là d’un enterrement mais plutôt d’une naissance. Le fait d’enterrer sa mère ferait-il renaître Meursault. Les « géraniums rouges, la terre couleur de sang, la chair blanche des racines (comme la peau blanche de corps maternel), des voix » et ce qui surprend et révèle encore l’idée de la maïeutique de Meursault : sa « joie » d’entrer « dans le nid de lumières… » . Il veut maintenant dormir, dormir beaucoup, comme un nouveau né, pendant « douze heures. »
Le deuxième chapitre commence avec un débit soutenu, une sorte d’agitation matinale. Les enfants sont bien connus pour cette énergie dès les aurores. A quoi pense un enfant quand on le laisse sans obligation ? Meursault se rend à la plage : il va jouer, s’amuser. Peu importe ce qu’il s’est passé la veille, peu importe que sa mère ait été enterrée. C’est déjà pour lui de l’histoire ancienne, il n’a pas à travailler, il va donc jouer, comme un enfant. Bien naturellement et presque de façon attendue Camus accompagne Meursault de Marie. Est-ce une coïncidence si cette amie se nomme ainsi ? Elle représentera une force maternelle importante durant toute la suite du livre. Quand Meursault et Marie jouent avec la bouée, il s’abandonne et « laisse aller [sa] tête en arrière et [la pose] sur son ventre ». Comme un enfant, il se recueille là ou le nouveau né aime sentir le cœur « battre », comme la source de la vie. Camus arrive donc à discrètement rappeler que même pendant le jeu, la force maternelle ici représentée par la presque sainte Marie, reste présente.
Un point important dans l’image de l’enfant chez Meursault est la façon dont lui-même se perçoit et avec quelle instance il veut se sentir à la fois différent et comme tout le monde. Ceci étant comme un enfant recherche la signification de son image, sa place dans le monde, sa place parmi les autres hommes. Quand il discute avec son avocat, lui-même qui doit justifier la personnalité de Meursault aux yeux de la société, il dit précisément (p. 67) : « j’avais le désir de lui de lui affirmer que j’étais comme tout le monde, absolument comme tout le monde. » cette idée se note plusieurs fois et notamment lors de scène de la gamelle dans la prison : « je me suis regardé quand ma gamelle de fer. Il m’a semblé que mon image restait sérieuse alors même que j’essayais de lui sourire. Je l’ai agitée devant moi. J’ai souri et elle a gardé le même air sévère et triste. » (P. 81). Sa confusion quant au jugement de sa personnalité et sa propre appréciation de sa nature apparaît également quand il s’inquiète qu’on puisse « juger un homme pour un autre » (p. 87) et lorsque interrogé par un journaliste il éprouve « l’impression bizarre d’être regardé par lui-même ». Rappelons ici que Meursault n’a pas de prénom. Le flou flotte sur son identité.
Quand Meursault est en prison, il se retrouve donc tout à fait livré à lui-même. Camus le force à cet isolement. Marie lui rend visite. Marie a toujours le sourire tout au long du récit. Le sourire d’une jeune maman qui le regarde avec une joie incontrôlable (« sourire écartelé et crispé », « elle souriait sans arrêt »). Meursault est d’autant plus séparé du monde, de la société qu’il l’est en réalité encore plus de cette relation avec Marie. Camus torture son personnage avec la scène de la visite. Une grille les sépare, il doit maintenant se débrouiller tout seul. A côté de lui, quelqu’un dit « au revoir maman ». Serait-ce quelque chose que lui-même pense ? Doit-il maintenant entamer un sevrage forcé ?
Loin de l’impression de sauvage presque misanthropique que l’on aime à penser de ce personnage, il est vrai, hors normes, Meursault est un innocent, il n’est qu’un enfant qui grandi dans un nouveau monde, recherchant une forme de maternité dans ce (ceux) qui l’entoure (entourent). Accédant au gré du récit aux étapes de maturation, d’autonomie, de questionnement que l’enfant se voit vivre pour atteindre sa propre identité; autant à ses propres yeux qu’au yeux des autres dont il se sent si différent et tellement identique à la fois. Il serait intéressant d’exploiter le fait du meurtre sur la plage en relation avec cette idée. La victime est-elle la représentation d’un personnage dans l’inconscient de Meursault ? Un père dont on entend pas parler ? Doit-il enlever la vie de façon nette et brutale pour prendre conscience de sa valeur ? A-t-il juste fait une bêtise, comme un enfant aime le faire parfois, même volontairement pour prendre conscience de ce qui est réel ?

Sovius