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L'infantilité Chez Meursault
L'Etranger d'A. Camus
Meursault peut être
comme certains disent un personnage tout à fait inclassable. Son absence
d’identité franche, son refus des codes sociaux et sa nonchalance
constante dès que les faits viennent à toucher son opinion font
tout simplement de lui un homme étrange avant même d’être
classable parmi les étrangers à quoi que ce soit. Tentons cependant
de voir en quel sens ce personnage vide par son infantilité ne cherche
qu’à acquérir un dessein, et dans ce sens parallèlement
se sevrer.
Le livre commence en effet d’une manière brutale avec l’annonce
du décès de la mère de Meursault. La froideur de la nouvelle,
d’ailleurs faite par télégramme, marque un départ
clé dans le choix de notre analyse. Le livre commencerait-il par la fin
? La fin de la vie de sa mère. On apprend très vite qu’il
n’avait de sentiment apparent pour elle. Effectivement, Meursault ne réalise
peut-être tout simplement pas ce qu’il vient de perdre. Un enfant
en bas âge qui foncièrement est très attaché et dépendant
de sa mère aurait très probablement eu la même réaction
ou plutôt la même non réaction. « Maman est morte »,
c’est un fait, et puis ? Toujours dans ce début de chapitre premier,
il avoue presque inconsciemment : « c’est un peu comme si maman
n’était pas morte ». Meursault que l’on nomme ainsi
comme on nommerait un enfant par son seul prénom ne parle pas de sa mère,
mais uniquement de maman. Ce principe propre en particulier à l’enfant
montre qu’il (l’enfant) n’a pas conscience de l’unité
maternelle en tant qu’extérieur à lui-même. Maman
est quelque part encore partie intégrante du moi chez l’enfant.
C’est un peu l’impression que donne Meursault dans ce livre ; il
n’a pas de personnalité apparente car lui-même ne se considère
pas comme part entière ou du moins pas encore. Revenons sur l’aspect
du récit et le style employé par Camus. On notera l’emploi
de phrases courtes et d’une syntaxe assez simple. Il raconte, comme une
histoire, toute sorte de choses, détaillées ou non en passant
d’une généralité à un point rapide de sa journée.
Seuls les enfants parlent d’un tel ton.
Meursault parle de l’habitude de façon insistante. « Mais
c’était à cause de l’habitude », « chez
Céleste, comme d’habitude ». Quoi de plus perpétuellement
rythmée que la vie d’un enfant. Toutes ses attitudes dévoilent
se sentiment d’infantilité chez Meursault. Même le directeur
de l’asile lui parle en ces termes : « vous n’avez pas à
vous justifier mon enfant…». Dans le car, il s’assoupi. Il
ne connaît pas exactement l’âge de sa mère et dans
l’asile, il n’y a que des vieux. Plus tard quand il doit veiller
sa mère, il ne sait pas si « il peut le faire [fumer] devant maman
». Sa question n’est pas de savoir si c’est bien ou non de
fumer, mais bien de savoir s’il peut s’afficher devant sa mère
; l’eût-elle grondé s’il avait fumé devant elle
? Non pas qu’il s’en empêche au bout du compte mais le fait
qu’il se posât la question dénote encore une fois une attitude
de dépendance morale, celle d’un enfant. A la page 17 de notre
édition (Gallimard 1942), la description soudaine que Meursault fait
du paysage montre comment il arrive à s’échapper totalement
pour un moment de la réalité. La nature ici prend le dessus sur
ses pensées et le laisse rêvasser sur le « ciel plein de
rougeurs » avec le vent qui « apportait une odeur de sel ».
A la fin du premier chapitre, il décrit avec précision les «
larmes de l’infirmière déléguée : »des…ruisselaient
sur ses joues… elles formaient un vernis d’eau sur un visage détruit…
». Il fini ensuite par décrire tout l’environnement où
il se trouve. La domination de l’idée de lumière, de blancheur
et de la couleur rouge du sang donnent à cette fin de paragraphe non
pas la confirmation qu’il s’agit bien là d’un enterrement
mais plutôt d’une naissance. Le fait d’enterrer sa mère
ferait-il renaître Meursault. Les « géraniums rouges, la
terre couleur de sang, la chair blanche des racines (comme la peau blanche de
corps maternel), des voix » et ce qui surprend et révèle
encore l’idée de la maïeutique de Meursault : sa « joie
» d’entrer « dans le nid de lumières… »
. Il veut maintenant dormir, dormir beaucoup, comme un nouveau né, pendant
« douze heures. »
Le deuxième chapitre commence avec un débit soutenu, une sorte
d’agitation matinale. Les enfants sont bien connus pour cette énergie
dès les aurores. A quoi pense un enfant quand on le laisse sans obligation
? Meursault se rend à la plage : il va jouer, s’amuser. Peu importe
ce qu’il s’est passé la veille, peu importe que sa mère
ait été enterrée. C’est déjà pour lui
de l’histoire ancienne, il n’a pas à travailler, il va donc
jouer, comme un enfant. Bien naturellement et presque de façon attendue
Camus accompagne Meursault de Marie. Est-ce une coïncidence si cette amie
se nomme ainsi ? Elle représentera une force maternelle importante durant
toute la suite du livre. Quand Meursault et Marie jouent avec la bouée,
il s’abandonne et « laisse aller [sa] tête en arrière
et [la pose] sur son ventre ». Comme un enfant, il se recueille là
ou le nouveau né aime sentir le cœur « battre », comme
la source de la vie. Camus arrive donc à discrètement rappeler
que même pendant le jeu, la force maternelle ici représentée
par la presque sainte Marie, reste présente.
Un point important dans l’image de l’enfant chez Meursault est la
façon dont lui-même se perçoit et avec quelle instance il
veut se sentir à la fois différent et comme tout le monde. Ceci
étant comme un enfant recherche la signification de son image, sa place
dans le monde, sa place parmi les autres hommes. Quand il discute avec son avocat,
lui-même qui doit justifier la personnalité de Meursault aux yeux
de la société, il dit précisément (p. 67) : «
j’avais le désir de lui de lui affirmer que j’étais
comme tout le monde, absolument comme tout le monde. » cette idée
se note plusieurs fois et notamment lors de scène de la gamelle dans
la prison : « je me suis regardé quand ma gamelle de fer. Il m’a
semblé que mon image restait sérieuse alors même que j’essayais
de lui sourire. Je l’ai agitée devant moi. J’ai souri et
elle a gardé le même air sévère et triste. »
(P. 81). Sa confusion quant au jugement de sa personnalité et sa propre
appréciation de sa nature apparaît également quand il s’inquiète
qu’on puisse « juger un homme pour un autre » (p. 87) et lorsque
interrogé par un journaliste il éprouve « l’impression
bizarre d’être regardé par lui-même ». Rappelons
ici que Meursault n’a pas de prénom. Le flou flotte sur son identité.
Quand Meursault est en prison, il se retrouve donc tout à fait livré
à lui-même. Camus le force à cet isolement. Marie lui rend
visite. Marie a toujours le sourire tout au long du récit. Le sourire
d’une jeune maman qui le regarde avec une joie incontrôlable («
sourire écartelé et crispé », « elle souriait
sans arrêt »). Meursault est d’autant plus séparé
du monde, de la société qu’il l’est en réalité
encore plus de cette relation avec Marie. Camus torture son personnage avec
la scène de la visite. Une grille les sépare, il doit maintenant
se débrouiller tout seul. A côté de lui, quelqu’un
dit « au revoir maman ». Serait-ce quelque chose que lui-même
pense ? Doit-il maintenant entamer un sevrage forcé ?
Loin de l’impression de sauvage presque misanthropique que l’on
aime à penser de ce personnage, il est vrai, hors normes, Meursault est
un innocent, il n’est qu’un enfant qui grandi dans un nouveau monde,
recherchant une forme de maternité dans ce (ceux) qui l’entoure
(entourent). Accédant au gré du récit aux étapes
de maturation, d’autonomie, de questionnement que l’enfant se voit
vivre pour atteindre sa propre identité; autant à ses propres yeux
qu’au yeux des autres dont il se sent si différent et tellement
identique à la fois. Il serait intéressant d’exploiter le
fait du meurtre sur la plage en relation avec cette idée. La victime
est-elle la représentation d’un personnage dans l’inconscient
de Meursault ? Un père dont on entend pas parler ? Doit-il enlever la vie
de façon nette et brutale pour prendre conscience de sa valeur ? A-t-il
juste fait une bêtise, comme un enfant aime le faire parfois, même
volontairement pour prendre conscience de ce qui est réel ?
Sovius